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Au-delà de nos marchés traditionnels

L'Amérique du Sud, l'Afrique et l'Asie intéressent les semenciers, et plus seulement en potagères.

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Limagrain vient coup sur coup d'annoncer deux investissements en semences grandes cultures en Afrique : le rachat du semencier maïs, Link Seed, en Afrique du Sud en janvier dernier, et l'acquisition début octobre au Zimbabwe de 15 % de la société, Seed Co, avec la possibilité de passer à 25 % du capital d'ici à la fin 2014. Cette filiale du groupe AICo possède des installations dans une quinzaine d'autres pays, principalement au sud et à l'est de l'Afrique. Après l'Amérique du Sud, la Chine et l'Inde, Limagrain franchit une nouvelle étape dans l'internationalisation de ses activités grandes cultures. En potagères, la démarche avait été engagée plus tôt.

Les prémices d'une révolution verte

DuPont Pioneer a annoncé en juillet l'acquisition de la société sud-africaine Pannar Seed, présente dans huit autres pays sur le continent africain. Le groupe américain disposait déjà de bureaux ou d'installations de production ou de recherche dans plusieurs pays africains. Bayer vient aussi de mettre le pied sur le continent africain. Monsanto, sans doute le principal interlocuteur sur place, avec des implantations en Algérie, Maroc, Afrique du Sud, Zimbabwe, Kenya, Malawi et Burkina Faso, commercialise des variétés OGM dans plusieurs pays et notamment en Afrique du Sud et au Burkina Faso. Syngenta est surtout présent en Afrique du Sud et au Kenya et a l'intention d'étendre son activité à d'autres pays. L'Afrique serait-elle en train de vivre les prémices d'une révolution verte ? « Attention, il existe une grande différence, entre les pays d'Afrique du Nord, l'Afrique du Sud, l'Afrique orientale, et les pays d'Afrique de l'Ouest, souligne François Burgaud, directeur des relations extérieures au Gnis. Il a organisé avec l'association Farm en juin dernier, à Paris, un colloque sur le thème « Les filières semencières face au défi alimentaire en Afrique de l'Ouest » qui a mis en exergue un secteur semences encore très peu structuré, des échanges informels importants de semences entre agriculteurs, une prédominance du secteur public dans la sélection... Mais aussi l'émergence d'un secteur semencier privé, au moins dans certains pays. « Il existe un cadre législatif et réglementaire pour protéger les variétés, mais qui reste très souvent non fonctionnel, regrette Dr Oumar Niangado, de la Fondation Syngenta pour une agriculture durable. De même, de nombreuses variétés nouvelles sont inscrites au catalogue des semences, mais restent méconnues des producteurs. On note cependant, avec le désengagement de l'Etat dans bon nombre de pays, l'émergence du secteur privé avec comme intervenants, des coopératives, des associations semencières et des entreprises... »

Le secteur privé peine à se développer

« En Afrique de l'Ouest, les filières semences sont encore peu développées car la recherche publique, en situation d'hégémonie pendant des dizaines d'années, dispose de moins en moins de moyens, et les Etats interviennent toujours de façon ponctuelle dans la production et la vente de semences, en fournissant des semences gratuites et pas forcément de bonne qualité aux agriculteurs, ce qui empêche l'émergence d'un secteur privé, remarque François Burgaud. Il existe heureusement des exceptions en légumes, notamment, où le secteur public n'intervient pas. Des semenciers privés ont aussi pu se développer en riz irrigué au Sénégal, par exemple. Par contre, en arachide, les entreprises privées sénégalaises ont beaucoup plus de difficultés et les agriculteurs cultivent toujours des variétés vieilles de plus de soixante ans. » Des entreprises françaises, comme Technisem, se sont véritablement spécialisées dans la sélection et la production de semences tropicales potagères. « Nos stations de recherche et de production de semences sont ancrées sur diverses zones du territoire africain, au Sénégal, Burkina-Faso, Cameroun ou à Madagascar. »

« Il est vrai qu'en dehors des légumes, dont la production peut être vendue directement par les paysans, donc générer de l'argent, il est plus facile de commercialiser des semences, reconnaît Jean-Louis Hubsch, directeur de Semences de Provence. Pour les grandes cultures, c'est plus difficile. Le fait qu'il n'y ait pas de silos, pas de camions, pas de routes, limite les surfaces qu'il est possible de cultiver. L'Afrique a pourtant tout ce qu'il faut pour bien valoriser la génétique, mais c'est petit à petit que les marchés vont réellement pouvoir se développer. » Semences de Provence, qui travaille avec un partenaire au Sénégal depuis de nombreuses années, commercialise environ 200 t de semences de maïs et sorgho sur le continent africain, pour le moment en répondant aux appels d'offres publics.

Pour le responsable du Gnis, le cadre législatif qui permet la protection des variétés donc de la sélection, existe mais avec des coûts de protection très élevés. « La donne changera, en Afrique de l'Ouest, lorsque les agriculteurs se regrouperont en organisations de producteurs par exemple, et se mobiliseront pour appuyer de vraies filières semencières, estime-t-il. On commence à sentir un frémissement en ce sens. » L'Afrique n'est pas la seule partie du monde convoitée par les semenciers européens ou nord-américains. Florimond Desprez par exemple, qui réalise déjà 65 % de son chiffre d'affaires hors de France et qui est présent dans différents pays, par le biais de sa filiale spécialisée en betteraves sucrières SESVanderhave, vient de confirmer son implantation en Amérique du Sud et compte renforcer de façon significative, sa présence en Europe orientale, à partir de la Russie, et dans le bassin méditerranéen à partir du Maroc. D'autres groupes comme Limagrain, s'intéressent à la Chine ou à l'Inde. « Depuis la chute du mur de Berlin, les semenciers français investissent surtout en Europe de l'Est, constate Daniel Segonds, président du Gnis. Mais certains voient plus loin que ces marchés traditionnels. »

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